Au Bénin, la lutte contre le paludisme, maladie endémique et cause majeure de mortalité, est sur le point de connaître un tournant décisif grâce à l’implémentation d’une nouvelle politique de santé communautaire. Cette nouvelle politique adoptée en 2020 vise à améliorer les stratégies et interventions de santé aux communautés notamment celles qui sont le plus vulnérables et difficiles d’accès (accès géographique, accès financier etc.) Et déjà, elle porte ses petits fruits dans la lutte contre le paludisme.

Le paludisme reste une menace persistante au Bénin, avec des millions de cas rapportés chaque année. Les efforts précédents se sont souvent heurtés à des obstacles tels que l’accès limité aux traitements et aux informations préventives, surtout dans les zones rurales et régions éloignées. À juste titre, la nouvelle politique de santé communautaire cherche à surmonter ces défis en mettant l’accent sur l’accessibilité, l’éducation et la prévention à l’échelle locale. Tel que libellé dans le document de politique nationale de santé communautaire, « la nouvelle politique vise à assurer les soins et services de santé communautaire intégrée : préventifs, promotionnels et curatifs à tous les ménages du Bénin en garantissant la mise en place d’un dispositif d’alerte pour la survenue des maladies en milieu communautaire ».

Selon Dr Conrad Deguenon, Médecin santé publique et Directeur de l’Hygiène Assainissement de base et santé communautaire à l’Agence nationale des soins de santé primaires (ANSPP), cette politique est conçue pour apporter des solutions de santé durables directement aux communautés qui en ont le plus besoin et inclue spécifiquement la lutte contre le paludisme. « Le paludisme est complètement intégré dans les interventions de la santé communautaire », a-t-il confirmé. A l’en croire, la lutte contre le paludisme se fait au niveau communautaire sur 3 axes.

Dr Conrad Deguenon

D’abord l’axe de la prévention avec la promotion de l’utilisation des moustiquaires et la double protection mécanique qui consiste à mettre des grilles anti-moustique au niveau des porte et fenêtre des logements. Ensuite l’axe de la prévention par l’amélioration de l’habitat : « des sensibilisations sont faites pour que les populations et les ménages améliorent leur cadre de vie, et détruisent les gites larvaires », confie Dr Conrad Deguenon. Enfin l’axe curatif par le traitement des formes simples en communauté. Mieux, la vaccination n’est pas laissée de côté. « Nous sommes en train d’intégrer la vaccination contre le paludisme dans le programme élargi de vaccination ce qui va permettre de mieux protéger nos enfants contre le paludisme », a-t-il laissé entendre.

Les relais communautaires, l’arme de la lutte

De facto, les relais communautaires et les agents de santé communautaire qualifié (ASCQ) sont l’arme de cette nouvelle politique de santé communautaire. Ils sont en première ligne. Pour la phase pilote lancée le 9 juin 2023, 1500 relais communautaires et 37 ASCQ sont déployés pour la mise en œuvre de cette politique innovante dans six communes : Nikki, Kalalé, Banikoara, Bembèrèkè, Sinendé et Malanville. Dans la pratique, ils ont du pain sur la planche, toujours pour assurer une prise en charge de qualité aux citoyens dans la lutte contre le paludisme. Dr Conrad Deguenon raconte un peu comment ils sont au four et au moulin.

‹‹ Les relais communautaires passent de ménage en ménage. Ce que nous appelons visite à domicile. Au cours de la visite ils se renseignent sur l’utilisation de la moustiquaire imprégnée et les grillages aux portes et fenêtre. Lorsque ce n’est pas le cas, ils sensibilisent les membres du ménage sur l’importance d’utiliser les moustiquaires et mettre les grillages aux portes et fenêtres. Et retiennent avec le chef de ménages un plan pour la résolution. Ils inspectent ensuite les alentours de la concession pour aider à la destruction des gites larvaires lorsqu’il en existe et se rassure qu’aucun enfant n’a fait de la fièvre dans les 48 h. Si un enfant a fait de la fièvre, alors il appelle son superviseur qui est l’ASCQ qui vient pour voir s’il s’agit d’un paludisme ou non. Si c’est un paludisme simple alors il lui administre le traitement curatif. Si c’est un paludisme grave, l’enfant est référé au centre de santé pour une meilleure prise en charge. ››

Dr Conrad Deguenon

Un cahier de charge qui n’est point une sinécure. C’est ce qu’a confirmé Eric (29 ans), un agent de santé communautaire qualifié (ASCQ) recruté dans le cadre de la nouvelle politique de santé, à une équipe de Unicef Bénin.

Le travail d’un ASCQ n’est pas facile. Nous devons faire le suivi quotidien et ensuite superviser les relais. C’est cela qui est le plus compliqué.

Eric, agent de santé communautaire qualifié
©UNICEF Benin 2024 Reine David Gnahoui

Selon ce reportage de Unicef Bénin, Eric intervient au centre de Santé de Bembèrèkè où il apporte son appui aux agents de santé. « Ses tâches comprennent notamment la vérification des carnets de vaccination des enfants, et la prise des constances : la température, le poids et la taille des enfants. Eric aide également les mamans à donner à leurs enfants âgés de 0 à 4 mois, les comprimés pour lutter contre le paludisme ».

Une innovation qui impacte déjà…

Dans le feu de l’action, et en attendant que les autres communes s’embarquent, les communautés touchées se réjouisssent déjà des fruits de la nouvelle politique. « Nous sommes désormais sensibilisés sur les bonnes habitudes à avoir pour éviter les maladies, ce qui permet à nos enfants et à nous-mêmes d’être protégés à travers le respect des mesures de prévention. Nous avons compris que les maladies et les décès que nous observons souvent sont liés au non-respect de certaines mesures. Avec cette politique, nous arrivons également à comprendre les avantages du respect du calendrier vaccinal et autres », a témoigné Dame Aissatou M., native de Nikki, à l’issue de la visite de terrain réalisée par le Ministre de la santé Pr Benjamin Hounkpatin et la Représentante résidente de l’UNICEF Djanabou Mahonde à Banikoara et Nikki les 14 et 15 mars 2023. De quoi s’en réjouir.

Toutefois, des défis restent encore à relever, notamment l’engagement des communautés à adopter les bons comportements et la disponibilité de ressources pour la mise en œuvre des activités communautaires. Pour les régions les plus touchées, il est envisagé des stratégies telles que « la chimioprophylaxie préventive, la chimioprophylaxie pérenne ; la pulvérisation intra domiciliaire et la vaccination ».

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Par ailleurs, même si Dr Conrad Dueguenon soutient que cette nouvelle politique est « une innovation » et donne déjà de bons résultats, il reconnait tout de même qu’il reste encore à faire. « Il nous faut continuer ; mobiliser davantage de ressources auprès des partenaires techniques et passer à l’échelle pour l’ensemble des interventions », ajouté le Directeur de l’Hygiène Assainissement de base et santé communautaire à l’ANSPP. Avec des initiatives comme celle-ci, le rêve d’éradiquer le paludisme au Bénin, pourrait bien devenir une réalité palpable dans les années à venir.

Arsène AZIZAHO

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