Le monde entier a célébré vendredi huit mars dernier la Journée internationale des droits de la femme (JIF). À l’occasion de cette 29è édition, le Bénin, pour montrer l’importance de la thématique de la JIF 2024, a organisé un forum national sur les investissements au profit de la femme et du genre. Et qui parle de la femme et du genre parle aussi des violences sexistes et sexuelles (VSS). Entre les chiffres alarmants et le déficit de donnés quantitatives et qualitatives surtout en Afrique de l’Ouest, investir pour lutter efficacement contre les VSS reste aujourd’hui une urgence.
Au Bénin, entre 2019 et fin mars 2023, les structures de prise en charge ont enregistré 78 233 cas de violences infligées aux filles et aux femmes, selon le Système intégré des données relatives à la famille, la femme et l’enfant, nouvelle génération (SIDoFFE-NG). En Guinée, 95 % des femmes âgées de 15 à 49 ans ont déclaré avoir été victimes d’excision. Au Burkina Faso, les données révèlent que 44 % des femmes mariées l’ont été avant l’âge de 18 ans, tandis que 16,2 % des femmes en âge de procréer ont subi des violences au sein de leur foyer. En Mauritanie, le viol demeure un crime impuni, non défini dans les textes de loi du pays. Au Niger, une étude sur l’ampleur et les déterminants des Violences basées sur le genre (VBG), menée en 2021, indique que plus de 38 % des femmes ont été victimes de telles violences.
Ces chiffres relevés de la tribune des féministes de huit pays d’Afrique francophone de l’Ouest (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Mali, Mauritanie, Guinée, Niger et Sénégal) sont, sans l’ombre d’un doute, alarmants, troublants voire effrayants. Pis, ils ne capturent pas toutes les histoires des femmes et des filles qui restent invisibles en raison du manque de données qualitatives, soulignent les féministes. ‹‹ Ces histoires non reflétées dans les statistiques, nient les souffrances silencieuses, et les luttes quotidiennes auxquelles elles sont confrontées ››, dénonce la tribune.
Des souffrances silencieuses qu’il urge de mettre au jour. À juste titre, la présidente de l’Institut national de la femme (INF), Huguette Bokpè Gnacadja a indiqué que le monde est en état d’urgence, du fait des situations urgentes auxquelles il fait face, dont les VSS à l’endroit des filles et des femmes. C’était lors du forum national sur les investissements au profit de la femme et du genre tenu au Palais des congrès de Cotonou, du huit au neuf mars 2024.
De facto, « investir dans les femmes en allant encore plus vite est devenu un impératif. Et ces investissements doivent toucher plusieurs domaines simultanément », a insisté la présidente avant de confier que l’INF reçoit quotidiennement des femmes abîmées par des violences domestiques. Cependant, combien de ces femmes sont encore muselées du fait de l’absence de données précises, récentes, fiables et complètes sur les violences sexistes et sexuelles.
Huguette Bokpè Gnacadja, présidente de l’INF
Que faut-il faire ?
Malheureusement, sans données précises, récentes, fiables et complètes sur les violences sexistes et sexuelles en Afrique de l’Ouest, il serait difficile d’évaluer l’efficacité des politiques existantes, de concevoir de nouvelles stratégies ou d’allouer les ressources nécessaires pour lutter contre ce fléau. Et pour que cela change, il urge que les gouvernants prennent des mesures fortes. Lesquelles mesures telles que recommandées par la tribune des féministes d’Afrique de l’Ouest sont de plusieurs ordres.
D’abord, le renforcement des systèmes de collecte de données existants et la mise en place de nouvelles méthodes innovantes pour garantir une couverture exhaustive de tous les aspects de ces violences. Ensuite, l’allocation de ressources adéquates à la collecte et l’analyse de données qualitatives et quantitatives sur les violences sexistes et sexuelles. Enfin, la promotion de la collaboration intersectorielle doit être améliorée entre les différents secteurs impliqués dans la collecte et l’utilisation des données.
‹‹ Nous exhortons donc les gouvernements de la région à prendre des mesures concrètes en inscrivant une ligne budgétaire, dans les lois de finances, en faveur de systèmes de collecte de données fiables et complets ››. Tel est le cri de cœur de 200 féministes, activistes, OSC etc d’Afrique francophone de l’Ouest qui ont signé la tribune »Compter Pour Toutes : pour des données fiables et complètes sur les violences sexistes et sexuelles en Afrique de l’Ouest ».
Arsène AZIZAHO