Les agressions sexuelles sur mineurs demeurent une triste réalité au Bénin. Selon les statistiques de SidoFFE-NG, 2433 cas de violences sur mineurs, dont 12,29 % correspondent à des violences sexuelles, ont été enregistrés au premier trimestre de l’année 2023. Ces statistiques ont suscité la thématique de la deuxième édition de la campagne digitale pour Pour Mon Enfant, lancée le lundi 11 décembre 2023 à la faveur d’un panel en ligne.
Se déshabiller ou être nu(e) devant les enfants ; surprendre les enfants nus ; toucher des parties intimes de l’enfant ; tapoter les fesses de l’enfant relèvent des agressions sexuelles sur mineurs, au delà des cas de harcèlement, de viols etc. Lesquelles agressions sexuelles ‹‹ supposent l’emploi de la violence, de la contrainte, de la menace ou de la surprise ou de toutes atteintes sexuelles exercées sans violence, sans contrainte, sans menace ou sans surprise ››, selon l’article 190 du code de l’enfant en République du Bénin.
C’est ce qu’ont expliqué lundi dernier lors du lancement, les panelistes qui ont débattu sur le thème : ‹‹ Agressions sexuelles sur mineurs : les responsabilités parentales dans la prévention ››. Prévention qui nécessite de connaître les signes avant-coureurs du phénomène. Selon Audrey Touré parent d’enfant, une aide ménagère ou un proche qui aide l’enfant à prendre son bain peuvent prendre du plaisir à regarder l’enfant nu, toucher ses parties intimes ; des enseignants qui tapotent les fesses des enfants etc.
Parfois, l’invité pose votre enfant sur ses cuisses et dit : ma chérie, tu vas m’épouser ?
Gildas Glonou Spécialiste de la protection de l’enfant
Gildas Glonou Spécialiste de la protection de l’enfant lui va plus loin. ‹‹ Parfois, l’invité pose votre enfant sur ses cuisses et dit : ma chérie, tu vas m’épouser ? C’est des propos qu’il faut automatiquement proscrire ››, prévient-il car les agressions sexuelles sur mineurs viennent souvent des proches. Lesquels proches il ne faut pas accuser à tort ou à travers. C’est de la ‹‹ survictimisation ››, estime Dr Bernice Adeossi pédopsychiatre. Car soutient-elle, pour le bain par exemple, il y a des gestes qui nécessitent qu’on touche des parties intimes de l’enfant. Autrement tout va dépendre de la personne et de ses intentions.
Mais comment faut-il prévenir ces agressions sexuelles ?
A cette question posée par le modérateur du panel Yanick Zountchegbe, les panelistes apportent plusieurs approches. En plus du respect de l’intimité de l’enfant et de son intégration dans les groupes d’enfants organisés, Gildas Glonou suggère le dialogue parents enfants. Un dialogue qui nécessite que le parent communique avec l’enfant.
Et pour mieux communiquer, ‹‹ il faut que le parent s’intéresse à la thématique, ensuite trouver le moyen de mieux communiquer avec l’enfant et se faire accompagner si on n’y arrive pas ››, a proposé Audrey Touré avant d’ajouter qu’il faut être en contact avec les formateurs de l’enfant pour connaître les comportements et les fréquentations de ce dernier.
La juriste Senette Hountikpo quant à elle préconise une triple approche. Primo, apprendre à l’enfant à connaître ses droits (droit à l’intégrité corporelle, physique, à la vie, à l’éducation etc). Secundo, inculquer à l’enfant dès le bas âge la notion de consentement, qui n’est pas seulement lié au sexe. ‹‹ Quand il veut ou non, il l’exprime clairement ››, a-t-elle fait savoir. Tertio, informer l’enfant sur les agressions sexuelles sur mineurs (démystifier), en fonction de son âge.
On ne touche pas une fille, on ne l’embrasse pas si elle n’est pas d’accord ; on ne couche pas avec une fille de moins de 16 ans même avec consentement
Dr Bernice Adeossi, pédopsychiatre
Par ailleurs, la pédopsychiatre Dr Bernice Adeossi attire l’attention sur la sensibilisation aussi bien sur le plan victime que sur le plan auteur ; sur la question du consentement et l’âge auquel le consentement est valable. ‹‹ Informer qu’on ne touche pas une fille, on ne l’embrasse pas si elle n’est pas d’accord ; on ne couche pas avec une fille de moins de 16 ans même avec consentement ››. Elle a mis également l’accent sur la formation des formateurs notamment sages-femmes , infirmières, répétiteurs, enseignants. Aussi ‹‹ installer un climat de confiance au sein du cercle familial (papa, maman, enfant) ››.
faudrait peut-être que les parents soient sur le qui-vive…
Dr Audrey Touré, parent d’enfants
En sommes, les parents ont un rôle préventif important à jouer dans la lutte contre les agressions sexuelles sur mineurs. Avec toutes ces exigences, faudrait peut-être que les parents soient sur le qui-vive, a averti Audrey Touré. Ce qui n’est pas nécessaire, a répliqué Dr Bernice Adeossi. ‹‹ Sinon on risque de devenir paranoïaque et s’empêcher de vivre et empêcher les enfants et les jeunes de vivre ››. En conséquence, ‹‹ il faut savoir que la chose existe, savoir la repérer et avoir des réponses adaptées ››, a-t-elle suggéré.
Pour mon enfant, une solution à la problématique
‹‹ Sensibiliser en particulier les parents aux pratiques et comportements préventifs des agressions sexuelles sur leurs enfants ››. Tel est l’objectif de la deuxième édition de cette campagne, a fait savoir Nadine Behanzin, l’initiatrice du projet lors du lancement.
À l’en croire, la campagne digitale Pour Mon Enfant est une campagne annuelle de sensibilisation digitale dont l’objectif principal est de promouvoir, à travers la création de contenus digitaux, de bons comportements en faveur du bien-être des enfants tout en rappelant la conscience collective sur des usages, pratiques ou comportements susceptibles de leur nuire.
Cette deuxième édition se déroule en ligne du 12 au 23 décembre 2023, date où on célèbre la journée de l’enfant Béninois. C’est donc un répondant à la problématique des violences à l’égard des enfants. Un pas de plus vers la protection de l’enfant en République du Bénin…
Arsène AZIZAHO