Abomey-Calavi, Cimetière PK 14. L’endroit grouille de monde. Klaxons de motos et d’autos retentissent ici et là. Il est environ 08h30. Le soleil, encore timide, commence à projeter ses rayons sur ce vaste espace dédié aux dépouilles. Nous rencontrons des visiteurs de toutes sortes. Certains viennent rendre hommage à leurs proches qui reposent ici, tandis que d’autres, comme nous, sont là pour observer. Nous faisons partie de cette dernière catégorie, un peu à l’écart de la foule, notre regard attentif à tout ce qui se passe. À plusieurs reprises, de jeunes gens s’approchent pour proposer leurs services : identifier une tombe, la nettoyer et l’orner.
Nous avons pris la route, comme beaucoup, comme si nous allions vers une tombe précise. En réalité, notre but est d’assister et d’observer. C’est ainsi que nous avons suivi une famille qui venait d’entrer. À environ 200 mètres d’eux, face à l’innombrable nombre de tombes, nous avons ressenti quelques hésitations. Nous lisions les noms des défunts, leurs âges, parfois leur profession. Derrière notre « famille cible », nous avons parcouru sans but une centaine de tombes.
De loin, nous avons vu qu’ils avaient identifié leur défunt. Nous avons alors marqué notre premier arrêt, sans nous asseoir. Nous avons décidé de nous approcher d’eux. À 50 mètres, nous avons vu leurs visages déjà marqués par les larmes. Le jeune homme qui les accompagnait s’affairait à nettoyer la tombe avec de l’eau savonneuse. Cette famille, composée de deux filles, d’une mère et d’un oncle, était venue ce matin au Cimetière PK 14, pour rendre hommage à leur « papa » en ce jour mémorable.
Larmes aux yeux, il était difficile de leur arracher des mots. Après quelques instants d’hésitation, l’oncle, le seul homme du groupe, a accepté de s’exprimer. Notre question était simple : « Nous voyons que vous pleurez quelqu’un décédé en 2020, âgé de 70 ans. Pourquoi pleurez-vous autant en sa mémoire ? »
Passant légèrement à côté de notre question, il a répondu : « Nous étions en 2020. Il est mort il y a quelques semaines et la famille préparait déjà son inhumation. Un jour, je l’ai vu en circulation. Nous avons échangé, rigolé, puis nous nous sommes séparés. À ma grande surprise, j’ai appris qu’il était décédé depuis. C’est vraiment étonnant, inexplicable. Je me souviens toujours de ce jour, et cela me fait dire que les morts ne sont pas vraiment morts. Sinon, comment expliquer qu’une personne morte puisse me rencontrer, bien habillée, et que nous puissions discuter ? Si c’est le cas, peut-être que nous sommes aussi déjà morts. Je suis ici aujourd’hui, avec sa petite famille, pour lui rendre hommage et prier pour le repos de son âme. Il est parti si tôt. Que Dieu veille sur lui et sur nous. C’est la prière que je viens de faire au chevet de sa tombe », raconte-t-il, larme aux yeux.
Bon à savoir !
La Toussaint, célébrée le 1er novembre, est une fête chrétienne honorant tous les saints, connus et inconnus. Elle a des racines anciennes, mêlant traditions celtiques et chrétiennes. En France, c’est un moment où les familles se rendent sur les tombes de leurs défunts pour les fleurir et se souvenir d’eux. C’est un jour férié, souvent associé à la saison automnale et à la préparation pour le Jour des Morts, le 2 novembre.
Mouminou A. ZOSSOU & Mahussé Barnabé AISSI