Le 21 juillet 2022, le ministre de l’intérieur et de la sécurité publique demandait aux faîtières des organisations estudiantines de l’Uac de dissoudre en leur sein les institutions à caractère paramilitaire. Six jours plus tard, la Directrice du Centre des œuvres universitaires et sociales d’Abomey-Calavi (Cous-ac), dans une correspondance adressée aux mêmes faitières, interdisait à leurs institutions spécialisées l’accès à certains bâtiments dont les restaurants universitaires. Une décision salutaire effectivement mise en application depuis l’ouverture des restaurants universitaires, mais qui semble paralysante.
Elles ne peuvent plus servir dans les restaurants universitaires. Ni la PU (Police universitaire), ni le CODE (Comité d’ordre de discipline et d’épanouissement des étudiants), ne pourront assurer la coordination ; ni le COGEHRES (Comité de gestion et hygiène des restaurants) le contrôle de qualité et l’hygiène. Ainsi en a décidé Ghislaine Fagbohoun, Directrice du Cous-ac, dans sa correspondance du 27 juillet 2022. « En application du communiqué radio-télé diffusé du ministère de l’intérieur et de la sécurité publique en date du 21 juillet 2022 demandant aux institutions faitières des organisations estudiantines de mettre fin, immédiatement en leur sein, à l’existence des milices organisées en ‘‘Garde fédérale, Etat-major, Brigade rouge, CODE, Police universitaire, COGERHES, BCI, etc., l’accès aux bâtiments administratifs, restaurants, résidences universitaires, parking d’embarquement des bus, aires de jeux sur tous les campus universitaires est interdit à ces différents groupes », a impérativement ordonné la D-Cous. Ce n’est donc pas seulement les restaurants universitaires qui sont touchés.
Une mesure salutaire mais insuffisante
Cette décision est effective et constatée depuis le 21 novembre 2022, date où les restaurants universitaires ont rouvert leurs portes. Constat ; pas de rang bien droit comme à l’accoutumée ; pas de gardes de la PU ni du CODE pour superviser et coordonner les entrées ; pas de COGEHRES pour contrôler la qualité du repas, ni pour compter le nombre de plats servis. Entre les quatre coins du restaurant principal (restau U), les étudiants ont livré leurs impressions sur ce constat. Pour sa part, Jean Luc Oussou, étudiant en L3 Faseg pense que c’est une bonne option parce que ceci limiterait les bagarres qu’il y avait entre membres desdites institutions. Mais d’un autre côté, cette disposition pourrait créer des tensions, vu qu’il n’y a plus ces institutions qui assurent la coordination dans le rang des étudiants, mais aussi le contrôle de la qualité des mets servis, soutient-il. « C’est vrai qu’aujourd’hui, il n’y a pas eu de problèmes ; mais quand il y aura du monde, on ne peut pas toujours s’assurer cette quiétude », a confié Jean Luc Oussou.
Une décision qui fragilise et paralyse…
Prévenir une situation, oui. La solution est certes salutaire, mais en même temps pourrait paralyser ce service important qu’est la restauration. C’est du moins ce qu’il ressort des différents avis des organisations estudiantines. Pour Lionel Hounwanou, président de l’Uneb (Union nationale des étudiants du Bénin), en présence des instituions, c’était pratiquement une « guerre » (entre griffes a-t-il précisé ndlr), entre responsables et agents du Cous, dans le but de défendre la cause des étudiants, afin de les satisfaire. « Maintenant que nous ne sommes plus là, qui pourra défendre l’intérêt des étudiants ? Qui pourra contrôler la qualité et la quantité des repas qui seront servis ? », se questionne le président de l’Uneb. Des inquiétudes auxquelles le président de la Fneb (Fédération nationale des étudiants du Bénin) a tenté de trouver des solutions, qui dans l’application en plus d’être ineffectives risquent d’apporter confusions. Selon Véritas In’tissor Koudogbo, les institutions paramilitaires sont un mal nécessaire. « Nous réfléchissons pour que le rôle qu’elles jouaient ne disparait pas au fin d’entraver l’épanouissement de l’étudiant. Mis à part ces différentes institutions, les faitières existent toujours et elles doivent s’assurer du service rendu aux étudiants. On ne peut pas refuser à une faitière de ne pas intervenir pour s’assurer de la quantité et la qualité du repas à servir dans les restaurants universitaires, par exemple » a-t-il martelé, comme pour répondre aux inquiétudes de son homologue. Des mesures qui jusque-là ne sont pas encore effectives dans les restaurants universitaires, faut-il rappeler. Quant au Secrétaire général de l’Unseb, (Union nationale des scolaires et étudiants du Bénin), cette mesure de la D-Cous transcende même celle du ministère, quand on se réfère au groupe de mot « institutions à caractère militaire ››. « Le mal est que la D-Cous a profité de cette décision pour interdire d’activité le COGEHRES, une institution qui n’a rien de militaire, puisqu’elle défend l’hygiène, la qualité et la quantité des mets dans les restaurants universitaires », a déploré Alexis Hounyo. A en croire le SG de l’Unseb, comme on peut s’en douter, si les mets sont de qualité et que la quantité est un peu reluisante, c’est à cause de ces institutions-là. « Dans les restaurants maintenant, on assistera à la débandade totale. Les choses ne seront plus bien organisées. Les étudiants mangeront les mets quelques soit la quantité et la qualité », regrette-il. Par ailleurs, tout comme le président Fneb, il propose une approche de solution. « Nous en tant que membre du bureau allons prendre nos responsabilités en main pour servir dans les restaurants universitaires. Nous serons obligés de jouer le rôle que nos camarades jouaient dans les restaurants. Ça ne coûtera rien de perdre notre temps pour veiller à la qualité et à la quantité des mets de nos camarades étudiants », a promis le SG de l’Unseb. Une approche qui jusque-là n’est pas effective quand on fait l’Etat des lieux, depuis l’ouverture des restaurants universitaires. Plus loin, il soupçonne une fragilisation dans la gestion des vivres et du nombre de plats servis aux étudiants. Selon ses confidences, cette décision pourrait laisser place au détournement des vivres dans les restaurants universitaires…
Malheureusement, la magouille continue
Il n’y a certes plus d’institutions dans les restaurants universitaires. Cependant, la relation qui lie les étudiants membres de ces institutions aux agents du Cous-ac notamment les bonnes dames, est loin de prendre un coup. Selon les informations parvenues à notre rédaction et selon nos investigations, ces étudiants influents à jamais, continuent de s’imposer aux dames devant leurs camarades étudiants. Ils continuent de briser les étapes et de brimer leurs camarades étudiants. Ils continuent de passer incognito pour commander un nombre de plats conséquents avant que le service ne se termine, et tutti quanti. Impuissants devant les faits, certains étudiants n’ont que pour courage des murmures. En plus de ces magouilles, s’ajoute le nombre insuffisant de plats servis jusque-là dans les restaurants universitaires. Parfois le service peut prendre juste une vingtaine voire une quinzaine de minutes ; et à peine 50 à 100 étudiants servis pour un déjeuner. Enfin, faut-il noter le désordre des étudiants eux-mêmes qui se comportent n’importe comment dans les barreaux, avant le démarrage du service, et pendant le service, par des bousculades et parfois des actes de brimades. Les bonnes dames, au four et au moulin ne pourraient pas régler toutes ces situations. Le Cous-ac devrait revoir sa copie dans la gestion de ces restaurants pour le bonheur de ces milliers d’étudiants usagers des restaurants universitaires.
Arsène AZIZAHO, in parution 217 de décembre 2022