Manque criant d’enseignants à l’Université d’Abomey-Calavi : le choc d’une formation académique moins qualifiante

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L’insuffisance du personnel enseignant est un vice qui fait couler d’encres et de salives à l’université d’Abomey-Calavi. Ce manque criant entache progressivement la qualité de l’enseignement supérieur. Une réalité qui conteste largement les exigences du système académique universitaire Licence-Master-Doctorat (LMD).

C’est une plaie béante qui manque de pansement. Le manque saillant des enseignants à l’Université d’Abomey-Calavi (Uac) est une goutte d’eau qui déborde le vase. Dans cette grande université où le nombre d’étudiants à la quête de connaissances et du savoir académiques et scientifiques progresse à une grande vitesse supérieure chaque année, le nombre des enseignants au lieu de progresser décroît. Pour un effectif de 94 000 étudiants pour la rentrée académique 2021-2022, seulement 846 enseignants dispensent les savoirs pédagogiques dans plusieurs unités d’enseignements selon les chiffres annoncés par le recteur Félicien Avlessi le 20 mai 2022 lors de la rencontre explicative sur la cherté de la vie entre les membres émissaires du gouvernement et la communauté universitaire de l’Uac. Des chiffres qui sont demeurés inchangés, ou auraient changé négativement plusieurs mois plus tard. Car, des 846 enseignants, certains ont bouclé leur carrière. « Des moins de 850 enseignants, beaucoup sont allés à la retraite, 19 au titre de cette année » affirme docteur Gabin Tchaou, secrétaire général du Syndicat Autonome de la Recherche de l’Enseignement Supérieur (Synares). Les explications de ce dernier révèlent que dans l’espace d’une année, de 2020 à 2021, il y a eu 80 enseignants qui sont allés à la retraite à l’Université d’Abomey-Calavi dont « la plupart sont des professeurs titulaires, des maitres de conférences ». Cette réalité dans le paysage de l’enseignement supérieur du Bénin est différée des exigences pédagogiques du système LMD mis en exergue depuis plus d’une décennie. Dans cette première université du Bénin qui se veut être moderne, un enseignant continue toujours d’encadrer au moins 500 à 1000 étudiants dans les amphithéâtres pour les entités de très faibles effectifs et environ 2500 étudiants pour les entités à effectif pléthorique en première année du cycle licence. Or, ce système éducatif adopté depuis 2010 aurait exigé qu’un enseignant doive encadrer 25 étudiants. Un ratio qui ne dit pas son nom. « Le LMD a dit que pour un groupe de 25 étudiants, il faut un enseignant, mais si vous faites le ratio […] vous avez à peine 1 enseignant pour 175 étudiants » ajoute le secrétaire de Synares. L’équation démontre clairement qu’au lieu de 8 enseignants pour une même unité dans une entité, on est en train d’avoir difficilement un enseignant.

Les enseignants de l’Uac à la rentrée solennelle 2022-2023

La qualité de la formation remise en cause

S’il est de toute évidence que produire des jeunes dynamiques, compétentes et aguerries, pétries de connaissances et de savoirs scientifiques est l’idée favorite de toute université, il n’en demeure pas moins pour l’université d’Abomey-Calavi. D’ailleurs, la qualité de la formation universitaire est le piédestal du développement de toute nation, car l’université forme des cadres de conception et de réflexions. Un objectif qui ne peut pas être atteint avec l’insuffisance criante du personnel enseignant. « On ne peut pas former si on n’a pas des enseignants en nombre suffisant », s’indigne docteur Gabin Tchaou. Au vu de ces analyses, la qualité des formations dispensées au haut lieu de savoir n’est plus à son paradigme. Les critiques émises vis-à-vis des prestations de certains diplômés sortis de l’Uac ces dernières années justifient l’affaiblissement de la qualité adéquate des formations.

La réforme de recrutement des AME du supérieur toujours en suspens !

Eléonore Yayi Ladékan, Mesrs

Un an est passé. Mais rien n’est fait. En décembre 2021, la ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique (Mesrs), Eléonore Yayi Ladékan dans les points clés du budget de l’année 2021 avait annoncé devant les députés le recrutement des aspirants au métier de l’enseignement supérieur. Mais jusque-là, l’effectivité de ce recrutement n’est toujours pas constatée. Les raisons de ce suspens qui perdure dans un silence facétieux ne sont toujours pas connues. Cependant, à s’en tenir à certaines annonces qui ont été faites dans ce cadre, la nonchalance du processus serait due à des réformes d’assainissement du mode de recrutement dans le paysage de l’enseignement supérieur mis en place par le gouvernement. En effet, le 05 février 2020, le porte-parole du gouvernement Wilfried Houngbédji a fait croire qu’une commission sera mise en place pour repenser le modèle de recrutement. « C’est vraiment une démarche holistique. Toutes ces questions ont été reversées à la commission qui a été mise en place. Et à l’arrivée, les solutions qui vont être proposées, si elles sont adoptées, c’est cela désormais qui va déterminer le mode de gouvernance de l’université » a précisé Wilfried Houngbédji selon les informations du site d’information « 24haubenin ». À en croire ses clarifications, le modèle de recrutement est une cooptation à laquelle le président Patrice Talon juge idéal d’y mettre fin.

Urgence de recrutement

Équipe rectorale

Urgence se fait sentir. Il est urgent de renforcer l’effectif du personnel enseignant pour sauver la qualité des produits que l’Uac met sur le marché de l’emploi. Les autorités universitaires en l’occurrence le recteur Félicien Alessi et le vice-recteur chargé des affaires académiques Aliou Saïdou n’ont pas droit à l’erreur. Une solution rationnelle et conséquente de recruter de nouveaux enseignants devient inévitablement une priorité. Pour le secrétaire du secrétaire général du Syndicat Autonome de la Recherche de l’Enseignement Supérieur (Synares), les autorités universités doivent accélérer les choses et prendre des décisions fortes. Il propose à cet effet, « […] de prendre une décision forte dans les outils de gestion qui s’annoncent pour 2022-2023 pour consacrer 1,5 ou 2,5 au plus au recrutement sur fond propre de moniteurs à l’Uac ». Les moniteurs sont des docteurs formés par plusieurs enseignants, mais qui attendent le recrutement du gouvernement.

Parution 217 de décembre 2022

Roméo AGBANVO, in parution n° 217 de décembre 2022

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