Des organisations estudiantines en perdition

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Au cœur du haut lieu du savoir qu’est l’Univers cité d’Agbomey Candofi se joue une série spectacle, digne d’une tragi-comédie, sous les yeux ébahis voire aveuglés des étudiants. Ma plume la titre : ‘‘la danse macabre des organisations estudiantines en perdition’’. Ces syndicats, jadis érigés en phares de la lutte estudiantine, semblent avoir troqué leur boussole contre un compas cassé, dessinant des cercles de discordes plutôt que des itinéraires vers l’amélioration des conditions de vie et d’études des étudiants, ceux-là même dont ils clament défendre les intérêts. D’aucuns se sont appelé ‘‘Fédération’’’ ; d’autres ‘‘Union’’. Pourtant, c’est le même vocable : ‘‘nationale, étudiants, Bénin’’ ; mais en trois différents syndicats : Fneb, Uneb et Unseb.

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Ces trois organisations estudiantines sont devenues, depuis les réformes paralysantes de 2016, les actrices d’une comédie de l’absurde, où la guerre de leadership a éclipsé le syndicalisme universitaire original. Imaginons une scène où, au lieu de débattre de stratégies pour contraindre les autorités à améliorer les conditions de vie et d’études des étudiants, les responsables étudiants se livrent à une bataille d’ego, transformant les amphithéâtres en arènes gladiatoires où le but est de sortir victorieux de la guerre des trônes, sans dragons mais avec tout autant de feu et de fureur. Yako aux institutions paramilitaires !

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Dans ce cirque, la présidence du bureau exécutif, ce rôle éphémère d’un an, s’est muée en un marathon sans fin, où la ligne d’arrivée recule à mesure qu’on s’en approche. Les dernières élections, un souvenir lointain d’il y a presque deux ans, sont devenues une légende, nourrissant le mythe d’une démocratie estudiantine où l’on vote encore. À l’Uneb et à la Fneb, le temps s’est figé respectivement au 23 juin et 29 juillet 2022 où les deux bureaux ont été installés. Depuis donc juin-juillet 2023, nos braves comédiens, que dis-je, nos leaders jouent les prolongations, laissant ainsi nos institutions dans un vide juridique aussi profond que le regard d’un étudiant en période d’examens.

Pendant ce temps, à l’Unseb, la situation frise l’absurde : deux bureaux prétendent régner en maîtres, tels des jumeaux ennemis se disputant le trône d’un royaume oublié. Ses multiples élections tentées depuis plus d’un an ont été d’une efficacité comparable à celle d’un panier qui doit recueillir de l’eau. Jusqu’à aujourd’hui, c’est un phénomène que les scientifiques étudient encore. Mais ne serait-ce pas mieux qu’ils étudient plutôt la démocratie sur toutes ses formes.

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Parce que cette saga estudiantine ne manque pas de rappeler les coups d’État conditionnels qui, tel un mauvais virus, infectent certains pays d’Afrique, sous le regard et le nez de démocraties endormies. Ironie du sort, les jeunes leaders d’aujourd’hui, maîtres dans l’art de la prolongation, sont potentiellement les dirigeants de demain. Qu’on le veuille ou non, l’université est la niche de la politique : voyez par vous-même le parcours de plus d’un des politiciens. À travers ce miroir déformant, c’est l’avenir même de notre jeunesse, de notre université et de notre pays qui est en jeu.

Loin de s’ériger en donneur de leçons, ma plume après avoir longtemps hésité a choisi de saigner plutôt que de s’indigner en silence. Il est grand temps de tirer la sonnette d’alarme. Laquelle alarme est un cri du cœur pour rappeler à nos chers étudiants que la farce a assez duré. Bientôt, il y aura encore les élections des organisations estudiantines les plus représentatives, un autre piège des autorités.

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Quoi qu’il en soit, il est urgent que ces bureaux exécutifs passent la main à des Ousmane Sonko et des Bassirou Diomaye Faye pour raviver la flamme du syndicalisme universitaire, celle de la défense acharnée des droits et intérêts des étudiants plutôt que pour les titres ronflants et les batailles d’égo. Sinon, l’Univers cité d’Agbomey Candofi risque de devenir le théâtre d’une comédie dont personne ne voudra acheter le billet, si ce n’est pour en rire. Que nos jeunes leaders, responsables étudiants se le rappellent : « le pouvoir est un service, non une couronne à saisir ». L’avenir de l’université, que dis-je, du Bénin en dépend.

Arsène AZIZAHO, in Chronique « Franchement », extrait de la parution n°227 de mars 2024

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